sur site le 9/02/2002
-Notre bon et très fameux lycée Bugeaud
Souvenirs d'un " Potache " du lycée Bugeaud à Alger...
ou " l'horloge en folie "
suivie de " la bacchanale pas banale dans les annales "
Textes de PF Carco
Je suis arrivé au petit lycée de Ben Aknoun en octobre1920.
-------J'ai quitté définitivement ce " cher bahut " en juillet 1930.
-------Dix années de mon existence de pensionnaire se sont passées là.

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-------Je suis arrivé au petit lycée de Ben Aknoun en octobre1920.
-------J'ai quitté définitivement ce " cher bahut " en juillet 1930.
-------Dix années de mon existence de pensionnaire se sont passées là.
-------Un de mes premiers souvenirs est l'organisation d'une pièce de théâtre que nous avions jouée sur une scène improvisée. J'étais en sixième A, j'avais onze ans.
Dire aujourd'hui de quelle pièce il s'agissait ? J'en suis totalement incapable, mais j'ai conservé le souvenir de l'installation dans un angle de notre dortoir. et du succès, sans doute relatif, que nous avions eu.
-------Plus tard, beaucoup plus tard puisque j'étais en seconde C , j'ai pu créer un journal, que le latiniste que je n'étais jamais arrivé à être, avait baptisé " Scholaris vox ". ( On ne fait pas mieux comme prétention !)
-----Nous avions comme prof. de lettres un homme remarquable en la personne de M.LESCHI, auquel mon idée avait plu et qui nous a aidé à la réaliser.
-----Là aussi je ne sais plus combien de numéros nous avons pu ronéotyper et combien de temps notre journal a vécu, mais je suis sûr qu'il a eu le mérite d'exister.

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Bien évidement je me demande en tapant cela qu'est-ce que ça peut vous faire à vous qui me lisait ? des souvenirs sans intérêt !(note du site : non, non! c'est parfait...Cela ravivera les souvenirs de certains et montrera à d'autres ce qu'était la vie dans notre lycée.)
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J'en ai un au moins qui aura le mérite d'être plus collectif et sait-on jamais trouvera peut-être un écho chez l'un d'entre nous.
-------Mais c'est toute une histoire…(Raconte, raconte!)-------J'étais à l'époque en mathématiques spéciales. Parmi nos camarades il y avait quelques bons numéros. Un cerveau, hélas trop tôt disparu, mon ami DUMAY , qui pour résoudre les problèmes de maths, dont il était toujours le premier à trouver la solution, grimpait sur l'armoire bibliothèque de l'étude où il s'asseyait en tailleur, ayant placé sur le plancher la figure et le texte du problème à résoudre.
-------Tout d'un coup, avec un brusque hurlement, on le voyait littéralement tomber de son perchoir et tracer ou écrire quelque chose sur le papier posé au sol, pour remonter ensuite jusqu'à ce qu'un cri presqu'inhumain nous avertisse qu'il avait enfin trouvé la solution !
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Celui dont je veux transmettre l'exploit maintenant, je ne me rappelle plus son nom, et c'est dommage.
------Pendant plusieurs jours, à l'étude du soir qui durait de cinq heures à huit heures, ce camarade a commencé par limer soigneusement, à sa place, des pièces de métal qui devenaient dans ses mains de fausses clés, puis par la suite des morceaux de bois qu'il rangeait dans le tiroir de son bureau, opération généralement précédée de la disparition momentanée et de quelque durée de notre artisan en question.
-------Pendant toute cette période de gestation, je pense qu'aucun de nous n'était au courant de sa finalité, jusqu'au soir, je dirais " au grand soir " de la réalisation.
-------L'extinction des feux était fixée à neuf heures sonnantes.
-------Il me faut maintenant rappeler que notre vie quotidienne était commandée par des roulements de tambour qui ponctuaient les diverses opérations de la journée :
6 heures : le réveil
7 heures : le petit déjeuner
8 heures : la rentrée en classe
10 heures : la pause de 10 minutes entre deux cours,
12 heures : le déjeuner au réfectoire et la récréation qui suivait,
14 heures : la classe de nouveau,
16 heures : la fin des cours et la récréation,
17 heures : l'étude,
20 heures : le dîner,
21 heures : l'extinction des feux
---Ce soir-là, quand le roulement de tambour de 21 heures a marqué la fin de notre journée, nous étions bien entendu tous couchés, mais notre camarade nous prévint d'attendre, sans dormir, la sonnerie de 22 heures à l'horloge.
-------Il me faut ici rappeler que cette horloge qui siégeait dans le pilier central de la cour médiane des bâtiments, sonnait le quart, la demie, les trois et quatre quarts d'heure avant de sonner les heures de une à douze.
-------Nous étions donc, pour la plupart d'entre nous éveillés quand l'horloge commença à sonner les dix coups de 22 heures.
-------Arrivée au dixième coup, l'horloge ne s'est pas arrêtée de sonner et elle paraissait ne plus le vouloir, elle en sonna trente quatre.
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-------Pour sur, c'était un gros succès et nous étions surpris étonnés et ravis, puis la fatigue aidant nous nous sommes enfin endormis.
-------Le lendemain l'horloge sonna ses quatre quarts d'heure et ses six heures habituels.
-------Les conversations sur l'évènement allèrent bon train, mais sans plus.
-------Nous étions un jeudi et nous avions quatre heures de math ce matin-là.
-------L'horloge avait sonné tous les quarts et ses sept et huit heures normalement. Là se place le hasard qui a voulu ce matin-là qu'un Inspecteur général vienne suivre le cours de math auquel nous allions prendre part. L'horloge continua à sonner tous ses quarts, neufs heures et jusqu'au quatre quarts de dix heures correctement et le cours n'avait pas été le moins du monde perturbé. Nous avions déjà presque oublié son incartade de la veille.
-------La présence de l'Inspecteur ne nous avait pas permis de sortir comme d'habitude à toute vitesse pour la pause habituelle et nous étions encore tous assis quand l'horloge réédita sa sarabande du soir !
-------Au onzième et douzième coups personne ne les remarqua, mais au-delà le professeur et l'inspecteur commencèrent visiblement à s'interroger.
Les trente quatre coups s'égrenèrent et le cours s'interrompit.
-------A onze heures l'horloge en sonna quatorze, puis seulement six à midi, sept à une heure, huit à deux et neuf à trois heures.
-------La sarabande ne devait reprendre qu'à quatre heures, trente quatre coups, cinq heures quatorze, mais le veilleur de nuit, chargé de l'horloge qui avait du être averti, venu tenter de la remettre à l'heure en la faisant sonner pendant un bon quart d'heure avant de réaliser que la machine ne fonctionnait plus normalement et qu'il fallait en chercher la cause.
-------Enfin tout rentra dans l'ordre, mais quelle affaire !-------Explication du phénomène : le nombre de coups dépendait de la longueur des dents d'une roue et qu'il suffisait de boucher certains espaces pour l'empêcher de s'arrêter normalement, mais il avait été nécessaire pour l'artisan créateur de faire d'abord les clés pour accéder à la mécanique et les bouchons ad hoc pour qu'elle ne déraille qu'après neuf heures et soit normale au réveil à six heures. Du grand art et un beau succès pour l'artisan du résultat ! (note du site : ce potache, a-t-il fini comme "horloger" ? )
Autre anecdote
-------J'étais encore au petit lycée de Ben Aknoun, -annexe du grand lycée- en sixième A et notre professeur de latin qui portait toujours un chapeau à larges bords comme celui plus célèbre de Léon Blum, était très, très myope.
-------Nous avions tous d'excellentes notes en récitation, ce qui n'était pas très difficile puisqu'au début du cours nous fixions le texte de la récitation du jour contre son pupitre qui, situé sur l'estrade, se trouvait exactement à hauteur des yeux du récitant appelé au pied de celle-ci pour pouvoir être bien en vue de notre cher prof.
-------Il suffisait d'avoir une bonne vue et de lire, avec quelques hésitations volontaires, pour avoir un 18/20 !
-------Un jour l'idée nous vint, pour nous distraire de faire de la musique.
-------Les externes et demi-pensionnaires arrivaient le matin un peu avant la classe de 8 heures.
-------La veille du jour J nous avons chargé plusieurs d'entre eux de nous acheter un lot d'instruments divers : Crécelles, occarina, mini-accordéons, trompettes, tambours, etc.....
-------Chacun de nous a eu son instrument. Pas besoin de leçon pour savoir s'en servir !
-------Quelques minutes après la rentrée, un chef d'orchestre improvisé donna le signal d'un splendide charivari ! Un énorme succès bien entendu ! Mais il devait y avoir une suite inéluctable...
-------La bacchanale avait dépassé les limites de notre salle et le "surgé "(notre surveillant général ), que nous avions baptisé "gavatcho "( je n'ai jamais su pourquoi ), rapliqua à toute allure et son arrivée mis un terme à notre chahut.
-------Il fallut ensuite vider nos poches sur les tables et voir confisquer tous nos instruments.
-------À cela ce sont ajoutées des sanctions variées, sans commune mesure avec le plaisir que nous avions pris à notre fantaisie.
-------Le "surgé" n'avait pu avoir la satisfaction de lancer sa canne (il boîtait et l'avait toujours avec lui ) comme il en avait l'habitude lorsqu'il surprenait un élève en flagrand délit.