sur site le 2-06-2003
-Notre bon et très fameux lycée Bugeaud

L'enseignement en Algérie: le 1er Lycée d'Alger

Source : "Souvenirs algériens" par Joseph-François AUMERAT (conseiller général dAlger) édité en 1898.
extrait de la revue du GAMT, n°76, 2001/4...

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-------Le Lycée d'Alger a eu des commencements
modestes ; il est évident qu'au lendemain de l'entrée de l'Armée Française à Alger par la porte de la Victoire, on ne pouvait songer à créer un Lycée de première classe. On devait nécessairement attendre que la population civile fut assez nombreuse pour fournir des élèves en âge et en état de suivre les cours d'un enseignement secondaire. On ne tarda pas à installer quelques écoles primaires, et en 1833, on en installa une, rue Socgémah, dans laquelle les élèves recevaient un peu d'enseignement secondaire ; c'était un Collège à l'état embryonnaire...

-------Cette école que nous appellerions, aujourd'hui, école d'enseignement primaire supérieure, était dirigée par M. GALTIER.

-------L'école fut transférée en 1834 dans la rue du Sagittaire,et enfin, en 1835, dans la rue des Trois-Couleurs, à l'angle de la rue Djenina, où elle reçut officiellement le nom de Collège Communal avec un Directeur nommé BARTHÉLÉMY, portant le titre de Principal , et trois Professeurs en tête desquels figurait M. GALTIER, qui emmenait avec lui ses vingt élèves de la rue du Sagittaire ; venaient ensuite M. POTTIÉ, pour les classes de Français, et M. GORGUOS, pour la langue Arabe.

-------Il n'y avait guère que 40 élèves en 1836, quand eut lieu la première distribution des prix ; elle se fit sans solennité à cause de l'exiguïté des locaux ; la maison mauresque de la rue des Trois-Couleurs était petite, et la cour intérieure, suffisante pour le personnel des professeurs et des élèves de l'époque, n'aurait pu contenir les familles des élèves et les invités du monde officiel.

-------On ne réussit à donner quelque publicité aux récompenses décernées que par l'insertion dans le Moniteur Algérien, du procès-verbal de la solennité, ce qui n'était pas chose facile, à ce qu'il paraît, puisqu'il fallut que le rédacteur en chef, M. Adrien BERBRUGGER, en obtint l'autorisation du Maréchal CLAUZEL, alors Gouverneur des possessions françaises du Nord et de l'Afrique.

-------La liste des lauréats contient les noms de quelques-uns de nos concitoyens dont la génération actuelle a conservé le souvenir

-------C'est d'abord Henri DELORME qui obtint le prix d'excellence dans la première section de la classe des lettres.

-------Ce fut l'un des meilleurs élèves de cette génération ; il eut, aussi en 1838, le prix d'excellence, le prix d'honneur - classe de latin - en 1840, et enfin en 1841, celui de dissertation française.

-------Henri DELORME devint plus tard Greffier en Chef du Tribunal Civil, puis Sous-Directeur de la Banque d'Algérie à Alger. Il eut l'honneur, en 1860, d'être le Président de la Société des Anciens Elèves du Lycée d'Alger.

-------Il en était, en effet, le plus ancien, et il était juste qu'il commença la série des Présidents de la Société qui venait de se former.

-------Dans cette première distribution, en 1836, Paulin POURRIÈRE eut un premier accessit. Les deux prix de la 2ème section furent obtenus par Eugène LAROQUE et Auguste COUETTE.

-------En -tête des lauréats de la 2ème section des lettres, Alexandre TRUFFAUT : les deux autres prix furent gagnés par Jules WITTERSHEIM qui a rempli de hautes fonctions dans la finance - il fut Directeur au Crédit Foncier d'Algérie -, et THUMERELLE qui dirigea, plus tard, une importante maison de commerce. Citons aussi M. GIRAUD qui devint géomètre principal.

-------Dans la 4ème section, Emile DESTENAY obtint le premier prix ; Emile BOURDELIN et Louis CASTAGNE eurent les accessits.

-------Philibert BONNIN : premier prix de la 5ème section. Eugène NIPPERT et Henri BRANTHOMME eurent les deux accessits. Ces deux derniers sont morts à Blida : NIPPERT, Géomètre en retraite ; Henri BRANTHOMME, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats.

-------Dans la 6ème section, CASTEL a le premier prix, TRÈVES, le premier accessit et LAVANDES, le second.

-------On retrouve Alexandre TRUFFAUT, POURRIÈRE et COUETTE, comme lauréats pour la langue Arabe.

-------Pour les classes de Français, on lit dans le premier palmarès, les noms des deux frères WALSS, Charles et Antoine, qui obtiennent deux accessits.
La population collégiale s'accroissant d'année en année, il fallut bientôt abandonner le local de la rue des Trois Couleurs.

-------Le collège fut transféré dans l'ancienne caserne des Janissaires, au bout de la rue Bab-Azoun.
C'est ce Collège que les anciens élèves appelaient le vieux bahut.

-------"Notre ancien Lycée - dit un enfant d'Alger, Charles de GALLAND, dans sa charmante histoire du Lycée d'Alger - était borné par la rue Bab-Azoun et l'ancienne rue des Lauriers, du côté de la mer par des rochers surplombant le rivage presque à pic et enfin, au Sud, par un petit fossé (le fossé des anciennes fortifications, qui le séparait de la place Bresson).
-------Des petites fenêtres grillées de la façade opposée à la rue Bab-Azoun, on apercevait la mer et les vagues qui déferlaient sur les rochers en surplomb.
-------Après avoir franchi la première porte d'entrée, on pénétrait d'abord dans un vestibule assez vaste. A droite, une petite pièce voûtée, plus longue que large, ornée de dessins graphiques et de dessins au crayon de figures solennelles et antiques ; à gauche, la loge exiguë du concierge, et à côté, le grand escalier conduisant au premier étage, et enfin à l'extrémité du vestibule, l'entrée de la Cour d'Honneur.
"

-------C'est dans les divers locaux de cette vaste caserne que la bibliothèque publique fut installée en 1842.
 

-------Ceux qui se souviennent de l'ancien Lycée de la rue Bab-Azoun ou qui ont la description qu'en a faite Charles de GALLAND et à laquelle il a consacré tout un chapitre de son livre, penseront que si l'ancien Lycée était un vieux bahut en le comparant au Lycée actuel, c'était un beau palais pour les élèves qui avaient commencé leurs études dans la rue des Trois-Couleurs.

-------C'est pendant la période de 1835 à 1848, que se succédèrent, à Alger, tant de professeurs distingués, dont les anciens élèves ont conservé le souvenir. Qui n'a pas connu ou entendu parler de MM. REISSÈRE, JULIEN, Principal du Collège, LATOUR, CAMPAGNAC, CARCASSONNE, MAULLARD, MÜLLER, père de notre concitoyen MÜLLER, naguère Secrétaire Général du Gouvernement de l'Algérie, SORBIER, JAULLERET, JULIEN Fils, HEBERT, DUCLOS, VIGNARD aîné, LATROBE et DURAND ?

-------Qui ne se souvient de l'abbé PELLETAN, Premier aumônier du Collège, qui, avec sa distinction et sa douceur, savait s'attirer l'affection respectueuse de tous les potaches, même les plus récalcitrants ?

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Il y eut aussi un certain GALOS, concierge du Collège, serviteur fidèle, mais un peu cumulard. Il était, en outre, carillonneur pour les entrées et les sorties des classes et aussi geôlier ou gardien en chef des guérites, espèces de cages en bois à claire-voie où les élèves étaient enfermés pour purger leurs punitions, durant les heures de récréation.


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"Pauvre Galos, - dit un jour l'un de ses anciens prisonniers - combien a-t-il fait d'heureux et de malheureux. Néanmoins, son nom reste comme un vieux souvenir pieux dans la mémoire de ceux d'alors."


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L'ancien Collège d'Alger, depuis sa création, en 1835, jusqu'à sa transformation en Lycée, en 1848, a donné l'instruction à beaucoup d'élèves qui se sont fait remarquer dans les diverses situations qu'ils ont occupées.
----- J'ai déjà parlé de ceux qui avaient débuté, dans la rue des Trois-Couleurs ; j'en puis citer un plus grand nombre parmi ceux qui commencèrent leurs études dans l'ancien Collège de la rue Bab-Azoun.

----- Citons d'abord, ceux qui sont morts ou du moins les morts dont on se souvient à Alger.

----- Tels sont BIZERAY, WITERSHEIM, DELORME, Martin SAUZEDE, SABATERY, TRUFFAUT, FAUDON, de CES CAUPENNE, DELAUNAY, VIGNARD, BALENSI, CAMPS,
POURRIERE, JOBERT, TRECH, DAZINIERE, LACOUR, BALLESTEROS, FEMENIAS, Armand COMMUNAY, DÜRR, CHIEUSSE, OLIVIER, PIGEARD, JOLY.

----- Cette nomenclature paraîtra peut-être un peu longue ; elle contient des noms dont quelques-uns sont peu connus. Il est bon, cependant, que les fils de ces premiers colons qui ont contribué à la fondation de notre nouvelle France ne tombent pas entièrement dans l'oubli.

----- Les survivants de l'ancien Collège de la rue Bab Azoun sont aujourd'hui assez clairsemés, ceux du moins qui restent à Alger.

----- Je n'en vois guère, parmi les membres actifs de la Société des Anciens Elèves, qui fut présidée, pour la première fois, en 1868, par le plus ancien des élèves - Henri DELORME - et qu'il l'est encore à l'heure qu'il est par un des élèves de l'ancien Collège, Alfred LETELLIER.

----- Je puis cependant citer encore MM. Adrien GIRAUD, TACHET, ancien Président du Tribunal de Commerce, BOURGAREL, Inspecteur des Contributions en retraite, et enfin, le vénérable Prélat qui, après avoir servi fidèlement sa patrie dans les rangs de l'Armée Française, se trouve actuellement placé à la tête du Clergé d'Alger : Monsieur
DUSSERRE.

Madiana DELAYE-LASTRAJOLI

Source : "Souvenirs algériens" par Joseph-François AUMERAT (conseiller général dAlger) édité en 1898.

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N.B. :Madame Germaine RAMBOZ (Adh. N° 1490) nous a précisé que le Lycée de BEN-AKNOUN dit "Petit Lycée" construit plus tard, fut rattaché au lycée Bugeaud (appelé "Le Grand Lycée')
-----Dans les années 1960-61, le proviseur était M. HADJ SADOK. Le corps enseignant (dont Mme Ramboz faisait partie en qualité de professeur de "lettres classiques" était français ou français-musulman. Ce petit lycée recevait surtout les enfants des notables de l'intérieur car il y avait un internat.

-----(*) Le lycée Bugeaud doit sa renommée au fait qu'il comprenait toutes les grandes classes préparatoires aux grandes écoles françaises : Polytechnique, St Cyr, Ecoles supérieures d'Ingénieurs, de Commerce, etc... Alger a été dotée par la suite d'un autre (petit) lycée appelé Emile Félix GAUTIER.

-----Par ailleurs, Madame Sylviane DUPUY (Adh. N° 270) répondant à une question parue dans la Revue française de généalogie, nous donne la date du bombardement du Lycée Bugeaud retrouvée grâce au journal tenu par son père, Henri Jacques DUPUY: il s'agit du mardi 24 novembre 1942.